Musculation et endurance

Musculation et endurance

Souvent perçue comme incompatible avec l’entraînement en endurance, la musculation est désormais considérée comme une méthode incontournable pour améliorer les performances en endurance (Ronnestad & Mujika, 2003).

Pour les épreuves de courte durée (<15 min), les effets bénéfiques d’un entraînement de force ont été mis en évidence chez des sujets sédentaires, des cyclistes, des coureurs (Spurs et al., 2003) et des skieurs de fond de haut niveau (Hoff et al., 2002), après seulement 2-3 séances par semaine sur 2 mois d’entraînement!

Ceci est également le cas pour les épreuves plus longues (>15 min) en course à pieds et en vélo :

  • Course à pied (Paavolainen et al., 1999) : un groupe de coureurs d’orientation bien entraînés avait diminué de 30% l’entraînement en endurance pour le remplacer par un travail de force pendant 9 semaines, leur permettant d’améliorer plus nettement leur chrono sur 5 km par rapport au groupe qui faisait 100% de travail aérobie.
  • Cyclisme (Aagaard et al., 2011) : Ces bénéfices se retrouvaient chez les cyclistes de l’équipe norvégienne lors d’une épreuve contre-la-montre de 45 min. Ces cyclistes ont augmenté la proportion des fibres rapides IIa au détriment des celles des fibres IIx (plus fatigables), en augmentant également leur force maximale (+12%) et l’explosivité (+20%) en 16 semaines… Et ceci sans prendre de masse musculaire, donc sans le risque d’augmenter leur poids corporel (qui serait contreproductif) !

Quel est le mécanisme physiologique qui permet cette amélioration ?

La musculation n’améliore pas la VO2max (« consommation maximale en oxygène », un des facteurs déterminant une « bonne endurance »), mais elle agit sur l’économie de course (la quantité d’oxygène nécessaire au coureur pour déplacer son poids corporel à une vitesse donnée) et la fatigabilité des fibres lentes :

  1. Amélioration de l’économie de course (Paavolainen et al., 1999 ; Spurrs et al., 2003) : En réponse à un travail de musculation, les coureurs à pieds diminuent le temps de contact au sol (grâce à une meilleure pré-activation des quadriceps et des mollets) et parviennent de ce fait à consommer moins d’oxygène pour se déplacer à une vitesse donnée, restituant mieux l’énergie stockée dans leurs jambes à chaque foulée.
  2. Diminution de la fatigabilité des fibres lentes (Ronnestad et al., 2011 ; Hausswirth et al., 2010) : Lors d’une épreuve de longue durée en vélo, les km parcourus fatiguent les fibres musculaires lentes (dites de type I) et diminuent la force qu’elles peuvent développer. Pour compenser, nous allons activer inconsciemment progressivement nos fibres rapides (de type II) pour maintenir l’allure, ce qui augmente notre consommation d’énergie. Mais ces fibres sont moins économiques et se fatiguent plus rapidement que les fibres lentes, ce qui amènera à une dégradation progressive de notre performance en endurance. Un entraînement régulier en musculation augmente la force maximale des fibres lentes, repoussant le seuil d’activation de nos fibres rapides pour compenser la fatigue… Ce qui nous permet de rester performant jusqu’à la fin de l’épreuve.

Quel est le programme idéal pour améliorer son chrono ?

Il faut privilégier le travail de la force maximale, avec des charges lourdes (de 60 à 100% de 1RM), sur au moins 2 mois, à raison de 2-3 séances par semaine, et sans mener les séries à l’échec (Izquierdo-Gabarren e al., 2010). Le travail avec des charges légères (<60% 1 RM) n’est pas efficace (Ronnestad & Mujika, 2013).

Voici un exemple concret d’entraînement de la force maximale sur 9 semaines (2-3x /sem, 40min) proposé par Ronnestad et al. (2010) :

  • Echauffement général
  • 4 exercices sollicitant les muscles extenseurs et fléchisseurs de la hanche, du genou et de la cheville :
    • Leg-press inclinée
    • Squat à la barre guidée
    • « Calf-raise » à la barre guidée
    • Flexion des hanches à la poulie basse
  • Durant les 3 premières semaines : réaliser 3 séries de 10 répétitions sans aller jusqu’à l’échec (conserver l’impression de pouvoir en faire 2-3 de plus) pour chaque exercice
  • Semaines 4-6 : augmenter la charge pour réaliser 3 x 8 répétitions
  • Semaines 7-9 : augmenter la charge pour réaliser 3 x 5 répétitions

Lorsqu’on arrête de s’entraîner, on perds vite les gains obtenus (et ceci après seulement 5 semaines d’arrêt!)… Il faut donc que le travail de musculation soit réalisé durant les derniers mois de la préparation et qu’il soit maintenu jusqu’au jour J (Garcia-Pallares et al., 2010).

Ronnestad et al. (2010) ont montré qu’une seule séance hebdomadaire (env. 20 min) de 4 exercices (2 séries de 5-6 répétitions par exercice à charge lourde (85% de 1RM)) est suffisante pour préserver les gains obtenus lors de la période préparatoire.

Pourquoi le marathonien ne deviendra jamais comme un body-builder ?

  1. En travaillant avec des charges très lourdes et peu de séries (travail de la force maximale), on gagnera de la force sans prendre du volume musculaire, car les adaptations seront principalement nerveuses (amélioration de l’activation du système nerveux centrale = augmentation de la force).
  2. La musculation ayant pour objectif l’amélioration de la performance en endurance doit être planifié durant les 2-3 mois qui précèdent une compétition, un lapse de temps insuffisant pour l’augmentation de la masse musculaire (hypertrophie musculaire), qui se planifie sur une période plus longue.
  3. L’entraînement en endurance inhibe les effets de la musculation sur le développement musculaire. Ce schéma représente les voies de signalisations cellulaires activées par l’entraînement en musculation et en endurance (Coffey & Hawley, 2007). L’entraînement en endurance inhibe l’activation de la protéine mTOR qui active les synthèses responsables du développement musculaire (hypertrophie musculaire).

Musculation et endurance

Références :

  • Aagaard P, Andersen JL, Bennekou M et al. Effects of resistance training on endurance capacity and muscle fiber composition in young top-level cyclists. Scandinavian journal of medicine & science in sports. 2011;21(6):e298-307.
  • Coffey VG, Hawley JA. The molecular bases of training adaptation. Sports medicine. 2007;37(9):737-63.
  • Garcia-Pallares J, Sanchez-Medina L, Perez CE, Izquierdo-Gabarren M, Izquierdo M. Physiological effects of tapering and detraining in world-class kayakers. Medicine and science in sports and exercise. 2010;42(6):1209-14.
  • Hausswirth C, Argentin S, Bieuzen F, Le Meur Y, Couturier A, Brisswalter J. Endurance and strength training effects on physiological and muscular parameters during prolonged cycling. Journal of electromyography and kinesiology : official journal of the International Society of Electrophysiological Kinesiology. 2010;20(2):330-9.
  • Hoff J, Gran A, Helgerud J. Maximal strength training improves aerobic endurance performance. Scandinavian journal of medicine & science in sports. 2002;12(5):288-95.
  • Izquierdo-Gabarren M, Gonzalez De Txabarri Exposito R, Garcia-pallares J, Sanchez-medina L, De Villarreal ES, Izquierdo M. Concurrent endurance and strength training not to failure optimizes performance gains. Medicine and science in sports and exercise. 2010;42(6):1191-9.
  • Paavolainen L, Hakkinen K, Hamalainen I, Nummela A, Rusko H. Explosive-strength training improves 5-km running time by improving running economy and muscle power. Journal of 
applied physiology. 1999;86(5):1527-33.
  • Ronnestad BR, Hansen EA, Raastad T. In-season strength maintenance training increases well-trained cyclists’ performance. European journal of applied physiology. 2010;110(6):1269-82.
  • Ronnestad BR, Hansen EA, Raastad T. Strength training improves 5-min all-out performance following 185 min of cycling. Scandinavian journal of medicine & science in sports. 2011;21(2):250-9.
  • Ronnestad BR, Mujika I. Optimizing strength training for running and cycling endurance 
performance: A review. Scandinavian journal of medicine & science in sports. 2013.
  • Spurrs RW, Murphy AJ, Watsford ML. The effect of plyometric training on distance running 
performance. European journal of applied physiology. 2003;89(1):1-7.

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